SCI : OPTER POUR L’IS SANS COMPROMETTRE L’AVENIR
Richard GAUDET
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
Ah, les revenus fonciers, ces mal-aimés du droit fiscal. Ils ne bénéficient d’aucun abattement et supportent les prélèvements sociaux. Avec une tranche marginale d’impôt sur le revenu de 45 %, le contribuable peut se trouver imposé à 62,20 %. Même si le rendement du bien est au rendez-vous, il faut admettre que ce n’est pas vraiment une « niche fiscale », d’autant que l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) peut venir augmenter la note.
Pour les contribuables qui ont fait le choix de loger leurs biens dans une SCI se pose fréquemment l’intérêt d’une option de la SCI pour l’impôt sur les sociétés (IS). Il est vrai que le régime de l’IS ne manque pas de charme. Les frais d’acquisition (frais de notaire, droits d’enregistrement, commission d’agence) sont déductibles et la SCI peut comptabiliser en charge l’amortissement de la construction ; le taux de l’IS est de 25 % (et même de 15 % jusqu’à 42 500 € de bénéfice) et les prélèvements sociaux sont inapplicables dans ce régime.
L’inconvénient de l’option pour l’IS est son caractère irrévocable. Même si l’article 239, I al. 3 du Code général des impôts (CGI) permet de renoncer à l’option, cette renonciation doit être exercée dans les cinq exercices, et par l’effet de cette renonciation, les réserves accumulées par la SCI seront taxées entre les mains des associés. Bien que le régime de l’IS soit très favorable dans la période où la SCI rembourse sont prêt, il est très défavorable en cas de revente de l’immeuble, l’amortissement de celui-ci concourant à réduire le prix de revient du bien qui sera retenu pour le calcul de la plus-value. A l’inverse, si le régime de l’impôt sur le revenu (IR) entraîne une lourde imposition pour les associés pendant la phase de financement du bien, il est récompensé à la sortie par le mécanisme des abattements pour durée de détention pouvant conduire à une exonération partielle au-delà de 21 ans de détention du bien, et totale au-delà de 30 ans.
Alors, comment faire pour bénéficier des charmes de l’IS pendant la période de détention du bien et de ceux de l’IR en cas de revente du bien ? La solution peut être de sortir la nue-propriété de l’immeuble au profit des associés, avant de faire opter la SCI pour l’IS. En effet, tant que la SCI est à l’IR, les réserves de la société (et qui correspondent le plus souvent au capital emprunté non déductible) ont vocation à revenir aux associés. Par ailleurs, il est assez rare que les associés ne possèdent pas de comptes-courants dans la société, correspondant aux avances qu’ils ont faites à celle-ci pour lui permettre de couvrir les frais d’acquisition. Ainsi, comptes-courants et réserves peuvent être utilisés par les associés pour leur permettre de racheter la nue-propriété de l’immeuble à la SCI, soit dans le cadre d’une cession pure et simple, soit dans le cadre d’une distribution de réserves en nature par définition non imposable, ces réserves ayant déjà été fiscalisées.
L’usufruit de l’immeuble laissé à la SCI a bien entendu un caractère temporaire (de toute façon l’usufruit laissé à une personne morale ne peut excéder 30 ans ; art. 619 du Code civil). La nue-propriété peut être calculée soit selon le barème fiscal visé à l’art. 669.II du CGI, soit selon un barème économique qui va tenir compte de la durée de l’usufruit laissé à la SCI et de la rentabilité du bien. Ce n’est qu’après cette sortie de la nue-propriété de l’immeuble que la SCI pourra opter pour l’IS. Elle pourra amortir l’usufruit de l’immeuble sur sa durée, encaisser les loyers et acquitter l’imposition. Au moment de la vente du bien, la SCI pourra être préalablement dissoute et l’usufruit rejoindra la nue-propriété pour reformer la pleine propriété entre les mains des associés sans imposition (art. 1133 du CGI). Pour ces derniers, le prix de revient du bien ne sera pas la valeur payée pour la nue-propriété, mais bien celle de la pleine propriété au moment de l’attribution de la nue-propriété (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10). Enfin, cerise sur le gâteau, les abattements pour durée de détention ne seront pas calculés à partir de la réunion de l’usufruit à la nue-propriété, mais bien à la date d’attribution de la nue-propriété.