PAS DE LIEN ENTRE LA CESSION DE TITRES ET LE REMBOURSEMENT DU COMPTE COURANT D’ASSOCIE

Emmanuel RAVUT

Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés

Il arrive souvent que le vendeur des titres d’une société ait prêté des fonds à sa société sous forme d’apports en compte courant d’associé.

Soit l’associé n’a pas pu se rembourser son compte courant avant la cession de ses titres, car la société ne disposait pas des fonds suffisants, soit l’associé a préféré conserver ces comptes courants en se rémunérant par le biais d’intérêts versés par sa société.

1°) autonomie entre les qualités d’associé et de créancier

A l’occasion de la vente de ses titres par l’associé, il est indispensable que la société lui rembourse ce compte courant puisque n’étant plus associé, il ne devrait pas, par essence même, pouvoir détenir un compte courant d’associés.

Cependant, la Cour de cassation a plusieurs fois considéré que l’associé avait en quelque sorte une « double casquette », associé d’un côté et créancier de l’autre, et que ces qualités pouvaient être autonomes, et c’est ce qu’elle rappelle à nouveau dans un arrêt récent, du 12 février 2025. (Cass. com. 12-2-2025 n° 23-17.483 F-B, SPFPL Bouras c/ SPFPL L). 

2°) pas de nullité automatique de la cession des titres en cas d’absence de remboursement du compte courant

L’autonomie entre la qualité d’associé (détenteur de titres de la société) et de créancier (détenteur d’une créance sur la société sous la forme d’un compte courant d’associé) étant consacrée par la Cour de cassation, elle a également confirmé que le défaut de remboursement du compte courant d’associé ne pouvait pas justifier la nullité du rachat des titres de la société concernée.

3°) Droits du créancier

Dans cet arrêt du 12 février, la Cour de cassation a rappelé que tout associé est en droit d’exiger à tout moment le remboursement du solde de son compte courant, mais que, en revanche, le vendeur des titres dans ce dossier ne pouvait pas demander la nullité de la vente de ses titres, dès lors que les obligations découlant de la vente des titres et le remboursement du compte courant d’associés étaient indépendantes l’une de l’autre, en l’absence de stipulation contraire.

4°) Précautions lors de la rédaction du protocole de cession de titres

Il apparait donc à nouveau indispensable que lors de la rédaction d’un protocole de cession des titres d’une société, en présence de comptes courants d’associé, une stipulation spéciale soit prévue pour définir les modalités de remboursement par la société du compte courant de l’associé qui vend les titres de la société concernée, et prévoir des sanctions (par exemple la nullité de la vente des titres) en cas de défaut de remboursement du compte courant de l’associé concerné.

Le 6 mars 2025