Stéphane MORER
Avocat à la Cour de Paris
Cabinet Bayet & Associés
Jusqu’à récemment, les transcriptions d’enregistrements audio ou vidéo d’entretiens entre les parties réalisés sans en informer au préalable l’autre partie ni recueillir son accord, qualifiés d’illicite ou de déloyale, étaient déclarés irrecevables comme moyen de preuve devant nos juridictions
Par un arrêt en date du 22 décembre 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence et considère qu’ils peuvent désormais être recevables sous certaines conditions.
Cette position de principe a été confirmées par deux arrêts en date des 17 janvier et 14 février 2024.
Le premier arrêt concernait un enregistrement audio réalisé par un salarié et le second un enregistrement de vidéosurveillance utilisé par l’employeur.
Les Juges apprécieront la recevabilité de cette preuve déloyale ou illicite après avoir analysé si les enregistrements illicites, produits par l’une des parties, n’étaient pas indispensable à son droit à la preuve, dès lors qu’il disposait d’un autre moyen de preuve qu’il n’avait pas versé au débat ou qu’il pouvait en disposer.
S’il apparait que celui qui s’en prévaut était dans l’impossibilité de se procurer une preuve par un autre procédé, la production de cette preuve illicite sera déclarée recevable.
La seconde condition qui sera analysée par les juges concerne la proportionnalité du droit à la preuve avec d’autres droits et libertés.
La preuve ne pourra être reconnue comme indispensable que si des raisons concrètes justifiaient son emploi, si l’ampleur du moyen employé n’était pas démesurée et s’il n’existait pas de moyens de preuve moins attentatoires aux droits à la vie personnelle de la partie adverse.
L’employeur devra être prudent dans le recours à des moyens de preuve ayant été jugés déloyaux tel que l’enregistrement clandestin.
Outre l’aspect juridique de ce revirement de jurisprudence, il faut prendre conscience que chacune des parties au contrat de travail devra garder à l’esprit que de tels enregistrements clandestins pourront être pris afin de servir de preuve à l’encontre de l’autre durant tout entretien formel (entretien préalable à un licenciement par exemple) ou informel soit pour obtenir gain de cause soit pour obtenir du Juge qu’il enjoigne le défendeur à communiquer des éléments internes à l’entreprise lui permettant de prouver le bien fondé de son argumentaire et de ses demandes.
Il faut donc s’attendre, grâce aux différentes applications existantes sur les téléphones portables (vidéo, dictaphone), à une recrudescence des enregistrements clandestins.