Le dirigeant et associé d’une société qui décide de céder son entreprise dispose de deux possibilités, soit il cède les parts de la société exploitant le fonds de commerce et il perçoit le prix de cession, soit la société cède son fonds de commerce et c’est la société qui perçoit le prix de cession du fonds.
Nous nous placerons dans l’hypothèse d’un vendeur :
- qui est le dirigeant de la société depuis au moins 5 ans,
- qui est en mesure de prendre sa retraite 2 ans avant ou après la cession,
- qui détient 100 % du capital de la société depuis au moins 8 ans,
- dont la société exploite le fonds de commerce depuis au moins 5 ans,
- ce fonds de commerce ayant une valeur de 300.000 €.
1. La cession des titres de la société :
1.1. Les donations préalables
Préalablement à la cession des titres de la société, le dirigeant peut procéder à une donation de tout ou partie de ces titres à son ou ses enfants.
Si il est marié sous un régime de communauté et qu’il n’a pas procédé à une donation au profit de ses enfants dans les 15 ans qui précèdent, sa femme et lui peuvent chacun donner des titres à chacun de leurs enfants pour une valeur de 100.000 € ; ils ont donc la possibilité de donner pour 200.000 € de titres à chacun de leurs enfants avant de céder la société, sans que ces donations ne génèrent de droits de donation.
Si il est marié sous un régime de séparation de biens, et que le patrimoine de son épouse est inférieur au sien, et qu’il n’a pas procédé à une donation au profit de son épouse dans les 15 ans qui précédent, le dirigeant-associé peut également procéder à une donation au profit de son conjoint pour une valeur de 80.724 € sans que cette donation ne génère de droits de donation, en précisant tout de même que l’administration fiscale pourrait éventuellement considérer cette opération comme un abus de droit étant donné qu’elle n’a pas le même objectif de transmission de patrimoine que celui des donations aux enfants évoquées ci-dessus.
Les titres ainsi donnés aux enfants (et/ou au conjoint), sont ensuite vendus par ces derniers à l’acquéreur de la société à un prix correspondant à la valeur déclarée lors des donations, ils ne réalisent ainsi aucune plus value et perçoivent donc le prix de cession des titres sans aucune fiscalité.
1.2. La retraite
Si le dirigeant peut faire valoir ses droits à la retraite, dans les deux années précédent ou les deux années suivant la date de la cession des titres de la société, la plus value réalisée à l’occasion de la vente des titres sera assujettie aux prélèvements sociaux (17,2 %), et le dirigeant-associé pourra soit opter pour l’impôt sur le revenu forfaitaire de 12,8 % de la plus-value, soit opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu et bénéficier d’un abattement fixe de 500.000 €.
1.3. La vente des titres par le dirigeant créateur
Si le dirigeant a acquis ses titres durant les 10 premières années d’existence de la société, la plus -value réalisée à l’occasion de la vente des titres sera assujettie aux prélèvements sociaux (17,2 %), et le dirigeant-associé pourra soit opter pour l’impôt sur le revenu forfaitaire de 12,8 % de la plus-value, soit opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu et bénéficier d’un abattement de 85 % sur la plus-value à déclarer au titre de son impôt sur le revenu.
1.4. La plus value imposable
Il n’est pas inutile de rappeler que la plus value imposable à l’occasion de la vente des titres de société, correspond au prix de vente de ces titres, moins le prix auxquels ces titres ont été achetés, ou moins les apports effectués, soit à la constitution, soit à l’occasion d’augmentations de capital par apports de numéraire ou par « incorporation » de comptes courants, les augmentations de capital par « incorporation » de réserves n’étant pas prises en compte pour le calcul de la plus value.
1.5. La garantie d’actif et de passif
Le cédant des titres d’une société doit consentir à son acheteur une garantie d’actif et de passif (une « GAP »), ce qui signifie que si un évènement ayant une incidence financière négative pour la société se produit pendant les années suivant la date de cession des titres (les GAP sont en général consenties pour environ 4 ans) et que cet évènement trouve son origine avant la date de cession des titres, le vendeur devra indemniser l’acheteur à hauteur du préjudice financier subi par la société dont les titres ont été vendus.
Et pour garantir qu’il sera solvable dans l’hypothèse d’une mise en jeu de la GAP, le vendeur devra bloquer une partie du prix de cession des titres (en général entre 10 et 20 % du prix) pendant la durée de la GAP.
1.6. La perception du prix de cession
A l’occasion de la cession des titres, le prix de cession desdits titres sera donc perçu :
- soit par les bénéficiaires de donations (cf le § 1.1. ci-dessus) sans impôts,
- soit par l’associé-dirigeant, déduction faite des prélèvements sociaux (17,2 %), et de l’impôt sur le revenu (forfaitaire de 12,8 % ou selon le barème après abattements 500.000 € ou de 85 %).
2. La cession du fonds de commerce par la société :
2.1. Les donations
Préalablement ou concomitamment à la cession de son fonds de commerce par la société, le dirigeant peut procéder à une donation de tout ou partie des titres de la société à son ou ses enfants.
Si il est marié sous un régime de communauté et qu’il n’a pas procédé à une donation au profit de ses enfants dans les 15 ans qui précèdent, sa femme et lui peuvent chacun donner des titres à chacun de leurs enfants pour une valeur de 100.000 € ; ils ont donc la possibilité de donner pour 200.000 € de titres à chacun de leurs enfants sans que ces donations ne génèrent de droits de donation.
Si il est marié sous un régime de séparation de biens, et que le patrimoine de son épouse est inférieur au sien, et qu’il n’a pas procédé à une donation au profit de son épouse dans les 15 ans qui précédent, le dirigeant-associé peut également procéder à une donation au profit de son conjoint pour une valeur de 80.724 € sans que cette donation ne génère de droits de donation, avec les mêmes réserves en matière d’abus de droit que celles évoquées au § 1.1 ci-dessus.
Les titres ainsi donnés aux enfants (et/ou au conjoint), sont ensuite vendus par ces derniers à la société, qui rachète ses propres titres grâce à la trésorerie générée par la vente de son fonds de commerce, à un prix correspondant à la valeur déclarée lors des donations, ils ne réalisent ainsi aucune plus value et perçoivent donc le prix des titres sans aucune fiscalité.
2.2. La plus value imposable
La plus value imposable à l’occasion de la vente de son fonds de commerce par la société correspond au prix de vente de ce fonds, moins le prix auquel elle l’a acheté ; la plus value correspond donc au prix de vente du fonds si le fonds a été créé par la société.
Cependant si le prix de vente du fonds est inférieur ou égal à 300.000 €, et que la société l’exploite depuis au moins 5 ans, la plus-value générée par la vente du fonds de commerce n’est pas imposée au niveau de la société.
Si le dirigeant a procédé à des donations comme évoqué au point 2.1. ci-dessus, ou si il laisse la trésorerie correspondant au prix de vente du fonds de commerce dans la société pour l’utiliser afin de développer de nouvelles activités ou de réaliser des investissements, la vente du fonds de commerce n’aura finalement généré aucune fiscalité.
2.3. Les formalités suite à la vente du fonds
Lorsque la société vend son fonds de commerce, le prix de cession du fonds ne lui est pas versé immédiatement, il est séquestré pendant une période de 2 à 3 mois avant de lui être restitué si aucun créancier n’a fait opposition au paiement du prix.
2.4. La perception du prix de cession
Un fois ces délais expirés, la trésorerie disponible correspondant au prix de cession du fonds peut être utilisée par la société :
soit pour acheter ses propres titres sans impôts pour les bénéficiaires de donations (cf le § 2.1. ci-dessus),
- soit pour verser à l’associé-dirigeant un dividende, assujetti aux prélèvements sociaux (17,2 %), et à l’impôt sur le revenu (forfaitaire de 12,8 % ou selon le barème après abattement de 40 %).
- soit pour verser au dirigeant une prime ou des salaires, générant des charges sociales pour la société et une imposition pour le dirigeant en fonction de sa tranche d’IRPP avec un abattement de 10 %, mais permettant de continuer à cotiser et à accumuler des « trimestres pour la retraite », si nécessaire le cas échéant.
Le 27 juin 2019
Emmanuel RAVUT
Avocat Associé