Nul n’ignore que toute entreprise doit s’inscrire à un centre de médecine du travail dès lors qu’il embauche dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée un salarié.
Cette inscription permet à l’entreprise notamment de faire passer au salarié aussi bien sa visite médicale d’embauche que sa visite périodique qui doit s’effectuer tous les deux ans.
Elle permet également d’effectuer les visites de reprise qui doivent s’effectuer après un arrêt de travail dont le délai différait selon l’origine professionnelle ou non de la suspension du contrat.
Le législateur a récemment modifié les modalités de suivi de l’état de santé des salariés (loi n°2011-867 du 20 juillet 2011).
Le décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 rend applicable ces modifications depuis le 1er juillet 2012.
Il ne semble donc pas inutile de rappeler les nouvelles dispositions relatives aux différents motifs de recours à une visite médicale ainsi que les risques pour l’employeur de ne pas y satisfaire.
Visite médicale d’embauche
L’article .R 4624-11 du Code du Travail dispose que tout salarié nouvellement embauché fait l’objet d’un examen médical au plus tard avant la fin de la période d’essai.
Cette obligation est impérative et l’employeur doit veiller à ce qu’elle soit exécutée.
En effet, l’obligation de faire procéder à un examen médical d’embauche pèse sur l’employeur qui ne saurait se décharger de sa responsabilité sur une éventuelle carence du service médical interentreprises (Cass. soc., 28 mars 2001 : TPS 2001, comm. 207). De même, quand l’employeur décide que le salarié recruté avec une période d’essai prendra ses fonctions avant l’accomplissement de cet acte médical, il ne peut se prévaloir d’un prétendu dol du salarié quant à son état de santé ou à son handicap, que ce dernier n’a pas à lui révéler (Cass. soc., 21 sept. 2005).
A défaut, le salarié est en droit de demander réparation d’un préjudice résultant de manquements de l’employeur à ses obligations relatives à la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, et notamment à celles de ces obligations relatives à la visite médicale d’embauche.
Il est vrai que la Cour de Cassation considère qu’une demande indemnitaire n’est recevable que si le requérant apporte la preuve du principe et de l’étendue de son préjudice.
Il faut savoir que la Chambre Sociale considère généralement que tout manquement d’un employeur à une de ses obligations légales génère automatiquement au salarié un préjudice qu’il convient d’indemniser.
Cette position restreint fortement la charge de la preuve incombant au plaignant qui doit se contenter d’apporter la preuve du quanta.
A défaut, le montant des dommages-intérêts sera à la libre appréciation du Conseil de Prud’hommes qui octroie en général, dans cette hypothèse, l’équivalent d’un mois de salaire.
Il faut également savoir que certains salariés sont à une surveillance médicale renforcée.
Il s’agit des travailleurs âgés de moins de 18 ans, des femmes enceintes, des salariés exposés aux différents risques énumérés par le décret et des travailleurs handicapés (Code du Travail, art. R 4624-18).
Le médecin du travail est juge des modalités de cette surveillance et doit, désormais, tenir compte des bonnes pratiques existantes (Code du Travail, art. R4624-19).
Une autre problématique se pose lors de l’embauche d’un salarié dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de courte durée dont la période d’essai n’est que de quelques jours.
La Cour d’appel de LYON, dans un arrêt en date du 27 janvier 2010, a considéré que « le fait qu’une salariée travaille à temps partiel et en application de contrats à durée déterminée interrompus par de longues périodes en 2003 et 2004 ne dispense pas l’employeur de ses obligations au titre de la visite médicale d’embauche et des visites périodiques. C’est pourquoi, si la salariée justifie qu’elle souffrait dès le mois de juillet 2005 de problèmes d’incontinence urinaire d’effort avec infection urinaire associée, l’absence de visite médicale et de mise à disposition de locaux sanitaires sur les chantiers sur lesquels elle était affectée l’ont assurément privée du bénéfice d’une prise en charge appropriée à son état de santé lui causant ainsi un préjudice dont l’employeur responsable doit assurer réparation, quand bien même ces manquements ne seraient-ils pas à l’origine de la pathologie dont souffre la salariée. »
La salariée a obtenue la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts.
La loi a toutefois prévu des exceptions.
En effet, sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou si le salarié en fait la demande, un nouvel examen d’embauche n’est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- le salarié est appelé à occuper un emploi identique ;
- le médecin du travail concerné est en possession de la fiche d’aptitude établie (Code du travail, article D.4624-47)
- aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours soit des douze mois précédents si le salarié est à nouveau embauché par le même employeur ;
- soit des six derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise (Code du travail, article R.4624-12)
Ces dispositions, qui permettent dans certains cas, des dispenses de la visite médicale d’embauche ne sont applicables ni aux salariés qui bénéficient d’une surveillance médicale renforcée (Code du travail, article R.4624-13) ni aux salariés concernés par des prescriptions particulières relatives soit à certaines professions, soit à certains modes de travail, soit à certains risques, définis par décret (Code du travail article L4111-6 3°).
De même, en cas de pluralité d’employeurs, la dispense d’examen médical peut s’appliquer sous réserve que ceux-ci aient conclu un accord prévoyant notamment les modalités de répartition de la charge de la surveillance médicale (Code du travail, article R.4624-14)
Il appartiendra bien évidemment à l’employeur d’apporter la preuve que ses salariés ont subi un examen médical sous la responsabilité d’un autre employeur, afin d’être en mesure de justifier d’avoir respecté les dispositions légales précitées (CA Paris, 11e ch. A, 19 mars 1991).
En effet, sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, la visite médicale d’embauche n’est pas obligatoire lorsque :
- le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d’exposition,
- que le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude et
- qu’aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des vingt-quatre mois précédents lorsque le salarié est de nouveau embauché par le même employeur, soit au cours des douze derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise (article R 4624-12 du Code du Travail).
A défaut d’obtenir une copie du dernier certificat d’aptitude du salarié, nouvellement embauché, l’employeur doit veiller à se rapprocher de son centre de médecine du travail mais également à ce que le salarié soit convoquer et se rende au rendez-vous fixé.
Le refus du salarié de se soumettre au contrôle médical pourra entraîner la mise en oeuvre d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à la rupture de la période d’essai pour motif disciplinaire.
Dans cette hypothèse, l’employeur ne pourra pas se contenter de faire une simple rupture de la période d’essai, mais devra engager une véritable procédure disciplinaire convoquant le salarié à un entretien préalable et lui notifiant sa décision de rompre la période d’essai pour faute après avoir respecté un délai de deux jours pleins.
Visite médicale de pré reprise
Les salariés en arrêt de travail d’une durée de plus de trois mois peuvent bénéficier d’une visite de pré reprise ( Code du Travail article R 4624-20). Les prérogatives du médecin du travail sont par ailleurs élargies puisqu’il peut, au cours de l’examen de pré reprise, recommander des aménagements et adaptations du poste de travail, des préconisations de reclassement et des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle. A l’issue de cette visite de pré-reprise, et sauf opposition du salarié, il informe l’employeur et le médecin-conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi du salarié. (Code du travail, article R.4624-21).
La visite de pré reprise ne doit pas se confondre avec la visite de reprise.
L’employeur ne peut donc considérer être dispensé, au retour du salarié dans l’entreprise, d’effectuer les deux visites de reprise dans l’hypothèse où le salarié a pris l’initiative d’effectuer une visite de pré reprise
La visite de pré reprise ne produit pas les mêmes effets identiques. C’est pourquoi lorsque le salarié adresse sans discontinuer des avis de prolongation d’arrêts de travail de son médecin traitant sans demander à reprendre le travail, il doit être considéré que l’avis du médecin du travail, a été délivré au cours de la suspension du contrat de travail conformément à l’article R.4624-23 du Code du travail et qu’il ne met donc pas fin à cette suspension (Cass. soc., 16 févr. 2001, pourvoi n° 98-44119).
La conséquence d’une confusion par l’employeur entre la notion de pré reprise et de reprise, en cas de licenciement du salarié, est de voir prononcer la nullité du licenciement, et non son absence de cause réelle et sérieuse, et une condamnation égale à douze mois de salaire
Afin d’éviter d’être confronté à ce type de désagrément, il appartient à l’employeur de vérifier si le salarié s’est présenté chez le médecin du travail avant d’obtenir un second arrêt maladie.
Dans l’affirmative, l’employeur est en droit de considérer que la visite correspond à une visite de reprise.
L’employeur peut également prendre contact avec les services de médecine du travail pour tenter d’obtenir ce renseignement.
Visite médicale de reprise
La visite médicale de reprise est toujours obligatoire après un congé de maternité et une absence pour cause de maladie professionnelle.
La loi du 20 juillet 2011 a modifié la durée de la suspension du contrat déclenchant la visite de reprise.
Elle ne devient obligatoire à compter du 1er juillet 2012 que pour les seules absences d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel alors qu’elle était auparavant de huit jours en cas d’accident du travail et de vingt-et-un jours en cas de maladie ou d’accident non professionnel (article R 4624-22 du Code du Travail).
La procédure afférente aux visites de reprise est particulièrement strict tant en termes de respect des délais qu’en termes de saisine des institutions représentatives du personnel quand la suspension du contrat de travail a une origine professionnelle.
L’employeur doit, dès lors qu’il a connaissance de la date de fin de l’arrêt de travail, saisir le médecin du travail afin qu’il organise l’examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié. (Code du Travail, art. R.4624-23).
Si le salarié est déclaré inapte partiellement ou définitivement à son poste, l’employeur doit organiser une seconde visite.
L’inaptitude est toujours constatée aux termes de deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, d’examens complémentaires. (Article R.4624-31 du Code du Travail).
Le second examen doit donc être organisé à minima 15 jours après la première visite.
La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 27 Mai 2009, a rappelé que le licenciement prononcé en raison de l’état de santé d’un salarié, dont l’inaptitude n’a pas été constatée conformément aux exigences du texte précité à l’issue de deux examens médicaux espacés d’un délai minimum de deux semaines, est nul en application des articles L1132-1 et L1132-4 du Code du travail.
La seule exception à l’organisation d’une seconde visite est lorsque le constat d’inaptitude intervient à l’issue d’une seule visite médicale lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle de tiers ou, depuis le 1er juillet, lorsqu’une visite de pré-reprise a lieu dans un délai de trente jours ou plus (Code du Travail, art. 4624-31).
Il est donc recommandé, en cas de réception d’un avis d’inaptitude, de vérifier l’intégralité des mentions qui y sont portées afin d’éviter qu’une éventuelle procédure de licenciement soit viciée.
Durant ce délai de 15 jours, l’employeur peut en profiter pour inviter le médecin du travail à se déplacer dans ses locaux afin d’envisager les possibilités d’adaptation du poste du salarié.
A l’issue de la seconde visite, l’employeur a un mois pour informer le salarié des possibilités de reclassement ou de l’impossibilité de le reclasser. Dans cette dernière hypothèse, et après avoir informé de manière détaillée, poste par poste, des raisons pour lesquelles sont reclassement est impossible, il pourra engager la procédure de licenciement sur le fondement de l’impossibilité de reclassement.
Durant ce délai d’un mois, l’employeur est dispensé de verser au salarié son salaire.
En revanche, s’il n’a pas terminé la procédure de licenciement dans ce délai, il devra reprendre le versement du salaire.
L’origine de la suspension du contrat interfèrera sur le paiement du préavis.
Si l’origine est professionnelle, l’indemnité de préavis du salarié sera versée bien que celui-ci en sera dispensé.
Si l’origine est non professionnelle, l’indemnité de préavis ne sera pas versée et le solde de tout compte devra être à la disposition du salarié dès la première présentation de la lettre de licenciement.
Les sociétés, ayant plus de 10 salariés et devant être pourvues de représentants du personnel, devront consultées ces deniers afin d’étudier avec eux les possibilités de reclassement des salariés dont l’arrêt de travail avait une origine professionnelle.
Le défaut de consultation génère une condamnation automatique de l’employeur égale à douze mois de salaire.
La question qui peut se poser est de savoir quel sort subira l’employeur qui n’a pas pu consulter les représentants du personnel dans la mesure où il n’en a pas.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 21 novembre 2011, a répondu à cette question.
Elle considère qu’un employeur qui ne peut justifier d’un procès verbal de carence, sera condamné à cette même indemnité dans la mesure où il lui appartenait d’organiser des élections.
La Cour de Cassation qui avait déjà considéér récemment que l’absence d’organisation des élections de délégués du personnel causait nécessairement un préjudice à tout salarié devant forcément être indemnisé tente de forcer les employeurs à respecter plusieurs de leurs obligations en droit du travail.
Il est pourtant préférable qu’un employeur se plie à cette procédure administrative fastidieuse afin d’éviter des condamnations pouvant aller jusqu’à douze mois de salaire.
Il est vrai que pour une entreprise, la gestion de la réglementation en droit du travail n’est pas productive et que l’employeur peut se perdre dans des méandres de plus en plus techniques.
Toutefois il s’agit d’un investissement qui au final lui permettra d’économiser des charges non prévues et qui selon les manquements constatés ont de plus en plus souvent un caractère automatique.
Stéphane MORER